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Une réflexion autour de l’exposition Abd el-kader au MUCEM

Publié le 17 juin 2022 par Zohra Boukenouche

L’émir Abdelkader : son combat contre la colonisation de l’Algérie par la France

Zohra Boukenouche

L’émir Abdelkader est issu d’une famille de la confrérie de soufis qui vit sous l’occupation ottomane. Il est étudiant lorsqu’il part en pèlerinage à la Mecque et en profite pour se rendre à Bagdad et Damas. Lors de ses voyages il se rend compte que de nombreux pays comme l’Algérie sont sous occupation ottomane. À cette même période la France et l’Angleterre sont en train de créer un empire colonial. L’émir Abdelkader aurait pu avoir une vie sereine et devenir simplement un chef spirituel dans son douar. Mais la situation va changer à partir de 1830 lorsque la France entreprend la conquête coloniale en Algérie. Avec son père il entre en résistance et devient rapidement un des chefs politiques et militaires de la résistance algérienne. Il réussit à unifier les tribus de sa région et va combattre l’armée française pendant plusieurs années, entrecoupées de trêves. L’émir Abdelkader va être un redoutable adversaire et un grand combattant face aux colonisateurs, en remportant de nombreuses batailles comme celle de la Macta, en 1835. 

Carte de l’État d’Abdelkader 1836-1839.

Le 30 mai 1837 il signe le traité de la Tafna, avec le général Bugeaud, ce qui lui permet de contrôler l’ouest et le centre de l’Algérie. C’est le début de la création d’un État algérien. 

L’émir Abdelkader supporte mal l’état de vassalité dans laquelle il se retrouve et se rend bien compte que l’accord qu’il a signé reste fragile.  Ce traité ne va pas être respecté très longtemps. En difficulté militairement, il n’est plus soutenu par le Maroc à cause de la pression des Français. Il est contraint de capituler, en décembre 1847, face aux troupes d’Henri d’Orléans, gouverneur général de l’Algérie. Il négocie son départ et celui de sa tribu vers l’Égypte ou la Palestine. 

Cette gravure de la soumission de l’émir d’Abdelkader est une image de propagande. Il fait face au Général Lamoricière et aux soldats qui se tiennent droits alors que lui baisse la tête. On le voit rendre son arme pour se soumettre aux colonisateurs. 

L’accord qu’il a négocié ne sera pas respecté, bien au contraire. Il va se retrouver « hôte » de la France, mais dans la réalité c’est un prisonnier de guerre. Il sera conduit au fort Lamalgue à Toulon puis transféré au château d’Amboise en novembre 1848 avec sa famille et une centaine de membres de la smala. Les conditions de vie dans ce château sont difficiles et auront des conséquences sur leur santé morale et physique. Habitués au désert, les détenus ne supportent pas les conditions de vie difficiles dans ce château glacial et insalubre. Plusieurs membres de la smala vont mourir lors de leur détention.

C’est avec, en tête cette histoire de la résistance de l’émir Abdelkader et des différentes tribus, que je visite l’exposition au MUCEM. J’écoute les dires des uns et des autres, entre la richesse de l’exposition et les commentaires plutôt négatifs de plusieurs personnes, je me dis que ça va être compliqué. Non loin de moi, près d’un tableau, j’entends une voix, je me rapproche, un vieux monsieur avec ses enfants et ses petits-enfants, s’offusque : « c’est de la propagande ! Aucun algérien ne va baisser l’échine et embrasser la main du colonisateur ! ».  

 Le tableau représente l’émir Abdelkader en train de baiser la main de Napoléon. Cette image est pour moi d’une violence extrême, comment peut-on penser qu’un homme qui a pris les armes puisse s’abaisser à ce niveau. L’émir Abdelkader n’a pas fait allégeance à la France il a été obligé de déposer les armes contre une force impérialiste et colonialiste. Ce tableau est une insulte à toutes ces femmes ces hommes qui se sont battus pour leur liberté et leur dignité.  

La suite de la visite confirme mon appréhension, que ce soit les écrits ou les témoignages oraux, je ne comprenais pas pourquoi on mettait en avant l’émir Abdelkader comme homme de paix surtout que cette année nous célébrons les 60 ans de l’indépendance de l’Algérie. La colonisation a contraint l’émir Abdelkader à prendre les armes. Lui et la smala ont vécu l’exil, l’enfermement et l’humiliation. 

L’émir Abdelkader fait partie des combattants algériens qui se sont battu dès le début contre le projet colonial et impérialiste de la France.

Cette exposition a le mérite d’exister et de montrer comment l’émir Abdelkader et la smala ont résisté à la colonisation française. La conquête de l’Algérie a été barbare et violente. On sait qu’au début de la colonisation il y a eu une baisse de la démographie en Algérie. Les exactions de l’armée française contre la population algérienne sont une réalité, et ça l’a été aussi pour les autres populations colonisées par la France. La reconnaissance des violences coloniales et impérialistes de la France sont nécessaires pour que tous les peuples colonisés puissent se reconstruire. Il faut rompre avec ces clichés, représentés dans de nombreux tableaux, qui font de l’émir Abdelkader un personnage du romantisme orientaliste dont les écrits spirituels toucheront les personnalités françaises du XIXe siècle à la française.

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