Pierre Mendès France2 (1907-1982) est un avocat et un homme politique. Il participe au gouvernement Blum en 1938, puis est condamné et emprisonné par Pétain en 1940. Il s’évade et rejoint de Gaulle et la Résistance. Sa préoccupation première, après la guerre, en tant qu’homme de gouvernement était le redressement économique et la reconstruction.
Si dès octobre 1950, suite à la première défaite de l’armée française en Indochine (Cao Bang), il affirme son opposition déterminée à la poursuite de la guerre en Indochine, Mendes France n’était pas un anticolonialiste, il tenait à préserver l’héritage colonial de la France qui devait selon lui être remodelé et réformé profondément. Il devient président du Conseil le 17 juin 1954 pour mettre fin à la guerre d’Indochine suite à la capitulation, le 7 mai, de l’armée française à Diên Biên Phu. Le mouvement de libération nationale et de décolonisation des colonies françaises est déjà largement entamé : depuis le 26 avril se déroule à Genève la conférence internationale sur la Corée et l’Indochine ; au Maroc le sultan Mohammed V a été déposé le 20 août 1953 du fait de son soutien au mouvement pour l’indépendance ; en Tunisie, depuis 1952, se succèdent manifestations et soulèvements pour l’indépendance ; en Inde les « comptoirs de l’Inde » demandent leur rattachement à l’Union indienne.
Mendès s’engage, dans son discours d’investiture, à obtenir un accord de paix en six semaines. C’est dans la nuit du 20 au 21 juillet que l’accord est signé à Genève : la France se retire totalement d’Indochine, le Cambodge et le Laos deviennent indépendants, le Vietnam est partagé en deux par le 17e parallèle. Aussitôt après, il ouvre les discussions avec Bourguiba et les nationalistes tunisiens et promet d’« accorder » l’autonomie à la Tunisie et au Maroc. Le 31 juillet il prononce à Carthage un discours révélateur de sa pensée :
Notre politique est une politique conforme aux traditions de notre histoire aussi bien qu’aux aspirations profondes du peuple tunisien et aux promesses qui lui ont été faites. L’autonomie interne de l’État tunisien est reconnue et proclamée sans arrière-pensée par le gouvernement français qui entend tout à la fois l’affirmer dans son principe et lui permettre dans l’action la consécration du succès. Le degré d’évolution auquel est parvenu le peuple tunisien – dont nous avons lieu de nous réjouir d’autant plus que nous y avons largement contribué – la valeur remarquable de ses élites justifient que ce peuple soit appelé à gérer lui-même ses propres affaires. C’est pourquoi nous sommes prêts à transférer à des personnes et à des institutions l’exercice interne de la souveraineté.
Le 21 octobre est signé l’accord franco-indien de Delhi sur l’évacuation des comptoirs français de Chandernagor, Pondichéry, Kârikâl, Mahé et Yanaon. Cependant c’est une tout autre politique qu’il va défendre vis-à-vis de l’Algérie. Après le déclenchement de l’insurrection du 1er novembre 1954, il déclare :
Les départements d’Algérie constituent une partie de la République française. Ils sont français depuis longtemps et d’une manière irrévocable. […] Jamais la France, aucun gouvernement, aucun Parlement français, quelles qu’en soient d’ailleurs les tendances particulières, ne cédera sur ce principe fondamental [1].
Il va alors donner l’ordre de multiplier par trois les effectifs des troupes de maintien de l’ordre et des compagnies de CRS. Dans le même temps, il souhaite promouvoir des réformes politiques et sociales tout en conservant le cadre du statut de 1947 affirmant la souveraineté de la France en Algérie. Son gouvernement sera renversé en février 1955 par l’assemblée qui refusera ses propositions. Il est à l’origine du Front républicain dont la campagne pour les élections législatives de janvier 1956 est centrée sur la nécessité de trouver une solution négociée à la guerre d’Algérie. Alors que tout le monde s’attend à ce qu’il soit proposé comme président du Conseil, c’est Guy Mollet qui est choisi par le président René Coty. Guy Mollet s’empresse de trahir les engagements du Front républicain, intensifie la guerre et la répression et envoie en Algérie des rappelés et des soldats du contingent. Mendès France dénoncera la torture dès 1957 et les politiques purement répressives. Il défend l’idée d’une paix négociée susceptible de préserver la « souveraineté de la France » et finit par se rallier à l’inéluctabilité de l’indépendance de l’Algérie. Il adhère au Parti socialiste unifié (PSU) en 1960, alors très engagé contre la guerre.