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Arrondissement 9ème - Quartier Du Roucas Blanc à Mazargues

Morgiou Chemin De Centre Pénitentiaire Des Baumettes ()



Le 5 novembre 1931, le conseil général des Bouchesdu-Rhône approuvait la construction d’un centre pénitentiaire départemental destiné à remplacer la prison pour femmes des Présentines, et celles pour hommes de Chave et de Saint-Pierre. Elle a été confiée à l’architecte marseillais Gaston Castel, qui y a apporté sa touche personnelle en faisant représenter sur le mur d’enceinte les sept péchés capitaux.

Coincée entre deux collines, la prison des Baumettes, ensemble de bâtiments monumentaux, est connue entre autres parce que le dernier condamné à mort, Hamida Djandoubi, y a été guillotiné en 1977. Bien avant, les Baumettes sont surtout réputées pour avoir abrité pendant la Seconde Guerre mondiale des ouvriers indochinois, plus de 20 000, importés comme du bétail et parqués dans les mêmes conditions afin de combler le manque de main-d’œuvre dans les usines d’armement. Les Indochinois furent répartis à travers la France dans les entreprises relevant de la défense nationale. Bloqués par la suite pendant l’occupation, ils furent loués pendant plusieurs années par l’État français à des sociétés publiques et privées sans qu’aucun réel salaire ne leur soit versé, ce qui équivaut à de l’esclavage. C’est d’ailleurs ainsi que le riz de Camargue est né [1].

À partir de 1943, résistants, communistes et Juifs y seront enfermés sous la direction de l’armée allemande et de la police française. À la fin de la guerre, les lieux seront occupés par les troupes françaises de l’Armée d’Afrique. C’est finalement le 17 mars 1950, que le département cédera les locaux à l’État français. La période précédant la décolonisation a aussi été marquée par une rotation dense d’incarcération abusive et massive au nom du maintien de l’ordre public de militants anticolonialistes, résistants du FLN et autres.

Pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), environ 10 000 Algériens sont incarcérés dans les prisons françaises. Les forces de l’ordre procèdent à des arrestations massives que l’état d’urgence décrété et proclamé en 1955 autorise. Cet état d’urgence a pour but de mettre « hors d’état de nuire » les « Français musulmans » qui menacent la sécurité nationale. Cette disposition permet à la République française de déroger à ses principes fondamentaux, au nom de circonstances exceptionnelles. Les militants sont si nombreux à être enfermés que les prisons françaises deviennent finalement un lieu où s’organise la contestation. La fédération de France du FLN initie un mouvement national de grèves de la faim pour faire reconnaître le statut de prisonnier politique. Après des semaines de lutte, les détenus FLN obtiennent le « régime A » : ce statut les différencie des prisonniers de droit commun, et leur accorde le droit de se réunir, de lire la presse, d’avoir les portes de cellules ouvertes. Y sont également internés des militants français anticolonialistes solidaires du peuple algérien comme Robert Bonnaud, professeur d’histoire au lycée Périer, fondateur du réseau Jeune Résistance de juin 1961 à juin 1962 ou Anne Beaumanoir (Annette Roger) arrêtée en novembre 1959 qui réussit à s’évader, suite à une sortie autorisée pour la naissance de sa fille et à rejoindre Tunis. Elle fut condamnée à dix ans de prison.

Les décennies suivantes seront marquées par une politique carcérale fondée sur la répression, l’incarcération abusive et des conditions de vie indignes et inhumaines rapportées à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme et d’autres associations œuvrant pour le respect des droits des détenus et prévenus. La prison des Baumettes n’échappe pas à cette politique systémique répressive qui est également raciste. En effet, même si du fait de l’interdiction d’établir des données relatives à l’origine ethnique et a fortiori la couleur de la peau, la plupart des détenus et surtout des prévenus (en attente de jugement, donc présumés innocents) sont des Afrodescendants, issus des quartiers populaires, de nationalité française et majoritairement masculins. Nombre d’entre eux sont incarcérés pour des faits liés aux stupéfiants et autres délits mineurs qui auraient pu faire l’objet de peines alternatives à l’enfermement.

[1Pour aller plus loin, lire Pierre Daum, Immigrés de force : les travailleurs indochinois en France (1939-1952), Arles, Actes Sud.

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Mise à jour :mercredi 22 mai 2024
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