Dans l’imaginaire colonial véhiculé par la littérature, la presse, le cinéma ou la chanson, la Canebière ouvrait la porte d’un Orient exotique, elle conduisait directement aux colonies !
Le monument des Mobiles, sculpté en 1893 par Jean Turcan situé en haut de la Canebière était destiné à commémorer les soldats de la Garde mobile enrôlés pour la guerre franco-prussienne de 18701871. Cependant, sur l’une des faces, on découvre un hommage au 45e régiment de marche, formé par les gardes mobiles des Bouches-du-Rhône chargés de réprimer, en 1871, « l’insurrection arabe de la province de Constantine », c’est-à-dire la grande révolte populaire qui, cette année-là, embrase une importante partie du territoire algérien :
Le 22 janvier, la smala des spahis d’Aïn Guettar et celle de Bou Hadjar, près de Tarf, s’insurgent contre l’ordre donné par Gambetta, le ministre français de la guerre, de mobilisation générale des troupes françaises d’Afrique. Ils devaient être embarqués à destination de Marseille pour rejoindre ensuite le front du Nord et défendre l’intégrité du territoire français et la souveraineté de la France [1].
C’est le point de départ d’une insurrection qui se répand comme une traînée de poudre. La répression, terrible, fait plusieurs dizaines de milliers de victimes. Parmi ceux considérés comme les « chefs » de l’insurrection, 348 sont condamnés à mort et 84 déportés en Nouvelle-Calédonie. Des villages entiers sont détruits, près de 500 000 hectares de terres sont confisqués et distribués à de nouveaux colons, une indemnité de guerre de 45 millions de francs est imposée à 313 communautés territoriales, soit 70 % de leur capital.
Le palais de la Bourse est le siège de la chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence. Il a hébergé, jusqu’à une date récente, le musée de la Marine, qui contenait d’importantes archives et objets concernant l’histoire coloniale de la ville, de son port et de ses entreprises.
Le projet de construction du palais a été confié à l’architecte orientaliste, Paul Coste. Le bâtiment a été inauguré le 11 septembre 1860 par Napoléon III. Sur sa façade principale huit cartouches représentent des navigateurs dont les expéditions ont ouvert la voie aux conquêtes coloniales : Dumont d’Urville, James Cook, Magellan, Amerigo Vespucci, Christophe Colomb, Abel Tasman, Vasco de Gama et La Pérouse. À l’intérieur entre les dix-huit arcades du grand hall sont inscrits les noms des pays et territoires ayant des relations commerciales avec Marseille : Portugal, Égypte, Tunis, îles Ioniennes, Indochine, Côtes d’Afrique. Au plafond, dix panneaux sculptés en relief illustrent notamment la conquête de l’Algérie, le départ des Croisades ou les expéditions scientifiques.
Au n° 15, se trouve l’immeuble de la Société générale. Cet immeuble a été construit en 1913 par le Crédit foncier d’Algérie et de Tunisie (CFAT) pour en faire son siège marseillais. La première vocation de cette banque, créée par le Crédit foncier de France en 1880, était l’octroi de prêts hypothécaires pour faciliter la colonisation agricole de l’Algérie (7 145 prêts dans la période 1880-1912).
En 1918, le CFAT participe avec les autres banques à la campagne de propagande pour l’emprunt de guerre : « Pour la patrie. Souscrivez à l’emprunt. Crédit foncier d’Algérie et de Tunisie ». Rappelons que plus de 172 000 soldats algériens et 60 000 soldats tunisiens furent enrôlés dans cette guerre.
En 1961 son siège central est transféré à Paris et en 1966 il est cédé à la Banque nationale d’Algérie [2].